Où vont nos poubelles à Singapour ?
Je me suis toujours demandé ce que devenait le contenu de nos poubelles à Singapour, ce minuscule état dont la superficie dépasse à peine les 700 km². En effet, l'espace ouvert est une rareté précieuse ici.
Et c'est vrai que je vous avais parlé dans un précédent article du recyclage à Singapour qui est loin d'être la norme. Et pourtant, c'est depuis la fin des années 70, que comme de nombreux pays développés, Singapour a institué un système de valorisation énergétique des déchets pour lutter contre la croissance des décharges. Ce système génère de l'énergie en incinérant la plupart des déchets du pays, puis en déversant les cendres dans une décharge.
Ici, comme dans de nombreux pays européens ou occidentaux, lorsque l'on se débarrasse de ses déchets, il y a la possibilité de mettre dans :
- la poubelle bleue qui permet de recueillir les déchets recyclable
- la poubelle verte ou «fourre-tout» qui va recueillir tout ce qui n’est pas recyclable : les restes de repas, les épluchures de fruits et de légumes, les coquilles d’œuf, litière du chat, couches, ...,etc.
En sept ans à Singapour, j'ai fait l'amer constat que contrairement
à la France, il me semble que trop peu de Singapouriens sont enclin à
faire leur tri sélectif.
Mais ensuite concrètement,
où vont réellement ces déchets ménagers ? Et ce que l'on met dans la
poubelle bleue de recyclage, ça part où ?
Premier élément de réponse avec le schéma ci-dessous :
Le contenu de la poubelle bleue va être trié pour en faire être valorisé vendu ou recyclé à Singapour ou à l'étranger. D'autre part, ce qui se trouve dans la poubelle verte (non recyclable) part directement dans les incinérateurs qui se trouvent à trois endroits différents sur l'île (Senoko, Tuas et Ulu Pandan). L'incinération va permettre ainsi de réduire de 90% la masse des déchets. Quid de la pollution atmosphérique ? Le site officiel du NEA (l'agence nationale de l'environnement) précise que les particules rejetées ont une taille inférieure à un micron...
Dans les deux cas, la plupart des déchets collectés ou incinérés sont envoyés par barge pour être enfouis vers la décharge de Semakau, une île voisine située à environ 8 km au sud de Singapour. Une digue rocheuse périphérique de 7 km a été construite pour enfermer une partie de la mer au large des îles voisines de Pulau Semakau et Pulau Sakeng afin de créer l'espace nécessaire à la décharge.
Le site d'enfouissement de Semakau est principalement rempli des cendres produites par les quatre usines d'incinération de déchets de Singapour. Les cendres sont transportés dans une barge
couverte (pour éviter que les cendres ne soient rejetées dans l'air)
chaque nuit.
Le gouvernement singapourien semble très fier de son projet écologique de décharge d'enfouissement. En effet, ce n'est ni une décharge sale, ni malodorante, et le soin
apporté à la conception et au travail opérationnel a fait en sorte que
le site soit propre, sans odeurs et pittoresque. Pendant la
construction, des filtres à limon ont été installés pour s'assurer que les coraux n'ont pas été affectés pendant les travaux du terre-plein. La décharge est recouverte d'une membrane imperméable, et l'argile et les lixiviats
produits (cette sorte de liquide qui a percolé à travers les déchets et qui se charge bactéries, en gros le même liquide que je récupère de mon compost à vers) sont traités dans une usine. Des tests d'eau réguliers sont
effectués pour assurer l'intégrité des doublures imperméables.
Cette île artificielle récupérée sur les eaux de mer aura quand même coûté la bagatelle de 400 millions d'euros !
Petit résumé dans cette vidéo de 8 minutes qui explique en détail le processus :
Cependant, au rythme auquel les habitants de Singapour, dont nous faisons partie, produisent des déchets, la question se pose de savoir combien de temps durera ce système.
Certains estiment que cette décharge en pleine mer sera complètement remplie en 2030 ! Et après, comment fera-t-on ? Une autre île artificielle ?
En attendant, sur notre terrasse, nos vers eux se régalent et s'engraissent de toutes nos épluchures de fruits et légumes dans notre lombricompost ! C'est peut-être ridiculement insignifiant mais on se donne bonne conscience en se disant que c'est toujours ça en moins qui part à Sémakau...